Pourquoi préciser, me demanderez-vous, « En visuel » lorsqu’il est question d’astronomie ? N’est-ce pas là justement le principe, de regarder « les étoiles » ? Eh bien, si, c’est bien de cela qu’il s’agit, justement, mais l’astronomie amateure moderne a en quelque sorte apporté de nouvelle pratiques, et en a démocratisé d’autres.

Au tout début…

Je m’explique : À l’origine et aussi loin qu’on puisse remonter dans l’Histoire, l’Homme a toujours observé le ciel nocturne, et longtemps sans autre instrument que ses propres yeux. Ce n’est que récemment, à l’échelle historique, que les premières lunettes et télescopes sont apparus, augmentant nos capacités d’observation, et permettant la découverte de nouveaux objets (notamment les satellites de Jupiter, ou encore les « nébuleuses » répertoriées par Charles Messier).

Il faut bien prendre conscience que les galaxies n’ont été « comprises » comme telles que très récemment (au cours du début du XXème siècle), et que c’est grâce au perfectionnement des instruments que l’on a pu accéder à ne nouvelles richesses du ciel. C’est aussi grâce à la photographie argentique que nous avons, pour la première fois, pu percevoir des objets parmi les plus ténus, restés jusque-là invisibles ou à peine discernables du fond du ciel.

La modernisation des instruments, la démocratisation de l’astronomie amateur, puis l’arrivée massive de l’informatique embarquée ont permis de rendre accessible à quelques passionnés de s’équiper d’un matériel capable de produire des images pouvant tout à fait rivaliser certaines productions professionnelles en imagerie astronomique. L’astrophotographie est devenue, pour quiconque en a le temps, les moyens financiers et la maîtrise technique des matériels et des logiciels, une activité très gratifiante et riche en découvertes.

L’avènement de l’informatique personnelle et embarquée a ainsi ouvert de nouvelles disciplines : l’astrophotographie, bien sûr, que ce soit en ciel profond ou en planétaire mais aussi l’astronomie visuelle assistée (j’y reviendrai). Enfin, depuis quelques années, l’arrivée sur le marché de télescopes dit « intelligents » qui offrent aux amateurs fortunés sans difficultés financières ces disciplines sans nécessité de maîtrise approfondie des techniques et concepts sous-jacents.

Il est donc possible, aujourd’hui, sans nécessairement avoir une connaissance ou des compétences particulières, d’utiliser un instrument astronomique informatisé capable de produire des images numériques « augmentées » (c’est à dire résultant d’une accumulation de signal permettant de révéler des détails autrement non accessibles) qui peuvent parfois être assez proches d’images que vous pouvez trouver sur Internet, prises par des télescopes de très grand diamètre).

De surcroît, certains appareils proposent aujourd’hui du «live stacking» permettant une accumulation de signal sur plusieurs dizaine de secondes, voire minutes pour les objets les plus faibles, et évitent à l’utilisateur l’habituel et fastidieux traitement a posteriori des sessions de prise de vue.

L’automatisation des techniques de compilation des images, qui facilité et raccourcit le temps de traitement, a donné naissance à ce que l’on appelle l’ « astronomie visuelle assistée» : Prenons l’exmple des instruments Unistellar, l’utilisateur y regarde à travers un oculaire « non optique », un dispositif contenant un petit écran sur lequel s’affiche progressivement les signaux accumulés en temps réel, maintenant l’illusion d’un oculaire optique classique, mais en y ajoutant une quantité de détails normalement inaccessible.

Et alors, quel est le problème ?

Tout cela est formidable, bien entendu. On peut se prendre à rêver que bientôt peut être, des appareils portatifs bien moins lourds et encombrants que le matériel actuel, permettront d’observer le ciel aussi simplement qu’avec une paire de jumelles, tout en accumulant le signal pour progressivement gagner en richesse de détails et en définition. Pourquoi pas encore, une simple paire de lunettes dédiées à l’astronomie capable de le faire ?

Les puristes diront que ce n’est pas ça, l’astronomie. L’imagerie astronomique est une chose, l’astronomie en est une autre. Quelque part, il y a du vrai dans ce postulat.

Considérons, un instant, que vous soyez en voyage dans un lieu magique, et vous êtes là, assis, contemplatif, savourant la beauté de l’instant. Vous voulez en profiter pleinement, vivre l’instant présent. Bien sûr, vous pourriez être tenté de faire photos, afin d’en garder un souvenir. Mais êtes vous bien sûr que cela est nécessaire ?

Je vous parie que ces photos existent déjà partout sur le web, avec une multitude de variantes d’angle, de temps, de qualité, de cadrage, etc. Il y en aura assurément de plus belles. Les vôtres resteront les vôtres, certes. Vous en êtes l’auteur. Mais contiennent elles ce qui vous faisait vibrer, lorsque vous vous contentiez de vos sens ?

Non, aucunement. Seule votre mémoire, et elle seule, détient ces informations. Pour y accéder, n’importe quelle photo du lieu suffira à vous reconnecter à vos souvenirs, peu importe qui la prise. C’est une expérience tout autant intime que subjective, et en tant que telle, le ressenti peut différer grandement d’un individu à l’autre.

Ah, vous voyez ?

C’est là que je voulais vous emmener : Si vous pratiquez l’astronomie, vous le savez déjà : rappelez vous l’émotion que vous avez ressenti la première fois que vous avez pu observer Saturne, Jupiter, ou même la Lune. Ces moments sont irremplaçables. Même si vous avez depuis observé ces objets des centaines de fois depuis, le souvenir de cette première fois demeure à jamais.

Observer, mais pas seulement : ce qui se passe en vous, ce tumulte intérieur, ces questions muettes, ces sentiments qui imposent le silence et l’humilité… Vous êtes alors face à l’insignifiance et la fragilité de votre propre existence.

Vous prenez conscience que les photons qui frappent en cet instant votre rétine ont été émis par notre étoile, se sont propagés dans le vide jusqu’à rebondir sur ce corps lointain, perdu dans l’espace. Et, après un incroyable voyage (contrairement à une quantité incommensurable de ses infortunés congénères, à jamais perdus dans le vide intersidéral), ils terminent leur course en venant frapper un atome au fond de votre œil. Là, ils disparaissent, laissant place à un électron qui avec d’autres contribuera à constituer un signal électrique dans votre cerveau.

Bien sûr, cela est valable pour tout objet céleste : Seuls varient la provenance des photons, leur trajet et la distance parcourue. Avec les objets extra-galactiques et millions d’années lumières qui nous séparent, vous avez en prime le voyage dans le temps !