L’une des désillusions les plus notoires concernant les montures automatisées serait que non, automatique ne signifie pas « auto-magique » ! Il est nécessaire, pour obtenir une précision de pointage satisfaisante, de procéder aux différents réglages avec beaucoup de soin et de rigueur. Nous allons dans ce billet, passer en revue les étapes cruciales et les pièges dans lesquels il est aisé de tomber si on ne fait pas assez attention, et qui peuvent tout aussi facilement être évités.
Les éléments présentés ici sont applicables au système SynScan (Sky-Watcher/Perl/Orion et marques compatibles), sur montures équatoriales allemandes ou Alt-Az.
Première étape
Il est avant toute chose, primordial de bien choisir l’emplacement où l’on souhaite s’installer : cela semble évident, mais il est très facile de commettre un impair à ce stade. Notamment, il est courant de vouloir s’installer sur un coin d’herbe, où le sol peut être plus ou moins ferme à certains endroits : les extrémités pointues des pieds du trépied peuvent alors s’y enfoncer plus ou moins selon la charge totale installée, or, les éléments viennent s’installer les uns après les autres, augmentant la charge progressivement au cours du processus. S’il l’un des appuis s’avère moins ferme que les autres, il y a de grandes chances que le tout ne soit plus tout à fait de niveau au final, et que vous ne vous en soyez pas aperçu. Une variation d’inclinaison d’un demi degré peut sembler imperceptible a priori, mais dans le ciel, ce demi degré vous fait manquer à coup sûr votre cible, et d’autant plus si vous utilisez un grossissement important.
Cette première étape consiste donc à qualifier le sol et les points d’appuis, d’y installer le trépied orienté vers le Nord et d’effectuer sa mise à niveau. Pour éviter l’enfoncement des pieds dans le sol, il existe des patins permettant de répartir la charge sur une surface plane plus ou moins grande (le prix de ceux-ci est assez exagéré, comme souvent pour les petites fournitures en astronomie), mais il est assez facile de fabriquer ses propres patins si besoin avec des pièces de bois ou de contreplaqué. Les modèles du commerce proposent en outre d’absorber les vibrations, mais nous verrons que pour ce sujet spécifique, il existe aussi une solution simple et peu onéreuse.
À l’aide d’une boussole, il est donc question d’orienter le trépied en utilisant la marque « N » figurant sur l’un des pieds pour l’orienter vers le Nord magnétique. Il n’est pas nécessaire d’être précis à la seconde d’arc près ici, les vis de réglage d’azimut de la monture pourront parfaire l’orientation (et ainsi compenser un écart jusqu’à plusieurs degrés) à l’étape suivante.
Si l’on en dispose, placer les patins sous les pieds et s’appuyer sur le trépied pour s’assurer que le tout ne bouge pas. À l’aide d’un niveau à bulle placé sur la partie supérieure du trépied (ou celui intégré à la monture si vous avez pu vous assurer qu’il est fiable), régler la hauteur des pieds tout en changeant l’orientation du niveau pour vérifier le centrage de la bulle sur tous les axes. Bien serrer les vis de verrouillage, s’appuyer une nouvelle fois sur le trépied, puis vérifier que le niveau indique toujours la planéité du socle : il est important que même chargé plus rien ne bouge.
Enfin, une astuce de photographe qui permet d’absorber une très grande part des vibrations de l’ensemble : il est question de suspendre, sous le trépied, un objet lourd en prenant soin de respecter les points suivants :
- La suspension doit être idéalement légèrement élastique, et non complètement tendue : elle doit être faite si possible d’une matière souple.
- Le poids doit se situer le plus bas possible de telle sorte que son centre de gravité soit proche de la surface de sustentation (le triangle au sol formé par les trois appuis du trépied). Il ne doit cependant pas toucher le sol, ni les pieds.

Notez que le poids ainsi ajouté n’est pas à décompter de votre budget de charge : la capacité de votre monture s’entend au niveau de la queue d’aronde. Concernant le poids en lui-même, il peut s’agir d’un sac en plastique rempli de sable, d’une lourde chaîne en métal, etc. Le but est d’avoir un lest « libre » suspendu sous le trépied dont la forte inertie et la liberté de mouvement va permettre l’absorption des chocs et vibrations, lorsqu’on manipule les molettes de réglage de focus par exemple. Vous avez sûrement déjà observé que les trépieds photo de bonne facture ont un crochet sous la tige centrale ? Eh bien c’est pour justement y suspendre un poids, et souvent les photographes y suspendent leur sac d’objectifs, car ça fait le job sans avoir à se traîner un poids en plus de tout le matos.

Les trépieds d’instruments astronomiques n’en sont en général pas doté, mais il est assez facile de fixer un lest sous le plateau à accessoires via la tige de serrage située dessous par exemple. Les trépieds massifs destinés à accueillir les montures à très forte capacité de charge sont peu sujets aux vibrations, tant et si bien que si vous êtes l’heureux propriétaire d’une EQ8, il est peu probable qu’il vous soit utile de placer un lest…
Seconde étape
Il est question ici de placer la tête de la monture sur son support, puis de mettre en place contrepoids et instrument, et d’orienter l’axe RA précisément vers l’étoile polaire, en utilisant le viseur polaire intégré si la monture en est dotée. S’il agit d’une monture azimutale, un alignement au Nord et une orientation verticale de l’instrument à 0° d’élévation (axe optique parallèle au plan horizontal) doivent être effectués.
Une fois tout en place, il est nécessaire de procéder à l’équilibrage du tout : l’instrument doit pouvoir rester dans n’importe quelle position sans bouger, et lorsqu’on fait effectuer une rotation suivant l’un des axes, le mouvement doit s’opérer sans effort dans un sens comme dans l’autre. Si l’instrument bouge après avoir été positionné, l’équilibrage est à refaire. Cette étape est très importante car elle seule peut provoquer une mauvaise précision de pointage ; en effet les moteurs vont devoir forcer plus que nécessaire lors des déplacements si les charges ne sont pas bien réparties et ne vont pas parvenir à « arriver à bon port » avec un tel surcroît de travail.

Positionner ensuite l’instrument de telle sorte qu’il dégage l’accès au viseur polaire (orienté à 0° de déclinaison, typiquement). Procéder à son réglage en suivant la procédure habituelle, en prenant soin de verrouiller toutes les vis de réglages, une fois l’alignement polaire effectué. Concernant les viseurs polaires, il est courant, sinon systématique, que les réticules ne soient pas alignés avec la position « Home » de la monture. Se présentent alors plusieurs possibilités :
- Utiliser un index adhésif pour marquer de façon précise la position dans laquelle le réticule est parfaitement orienté (axe 0h – 6h strictement vertical et 9h – 3h strictement horizontal). Autre possibilité, il existe en outre des niveaux à bulle qui peuvent être installés sur le viseur polaire pour réaliser cette orientation.
- Paramétrer le décalage en ascension droite dans l’application d’alignement polaire pour qu’elle compense l’écart, via l’une des fonctions suivantes (si vous utilisez l’application «Polar Scope Align», d’autres applications peuvent présenter les mêmes fonctions sous d’autres noms) :
- Rotated Reticle View : adapte l’affichage dans l’interface en présentant un réticule incliné,
- Polar Reticle Zero Position : permet d’effectuer l’orientation avec la raquette, en positionnant la monture sur l’heure indiquée par l’application.
Troisième étape
À ce stade, le setup est orienté vers le Nord, équilibré et aligné sur l’axe de rotation de la Terre si il est question d’une monture équatoriale, ou bien aligné vers le Nord et parfaitement horizontal s’il est question d’une monture Alt-Az. Il est à présent temps d’allumer le système SynScan (après avoir connecté les moteurs si ceux-ci sont de type externes, comme le sont ceux des kits Goto «after market»).
Suivre la procédure d’initialisation en étant rigoureux quant à l’exactitude des informations saisies, et en évitant les écueils habituellement rencontrés lors des «Star Parties» :
- Confusion entre degrés décimaux et sexagésimaux (46,5° / 46°30′)
- Erreurs d’orientation (Sud/Nord, Est/Ouest) 10°E ? 10°W ?
- Erreurs de paramétrage de l’heure (Fuseau, DST…)
Il est important de bien comprendre l’incidence de ces paramètres et problèmes qui seront rencontrés par la suite en cas d’erreur.
Le positionnement géographique peut être approximatif sans trop de conséquence, mais tout dépend où sont faites les approximations : 43°30’N ou 43°31’N sont acceptables pour 43°30’30 » N par exemple, mais arrondir à 43°00’N ne l’est plus, et un S à la place du N va simplement être catastrophique. Si vous êtes situé dans l’hémisphère Nord, choisissez N pour votre latitude : les degrés sont comptés à partir de l’équateur (0°) en progressant jusqu’au pôle Nord (90°). Enfin, si vous être situé à l’Est du méridien de Greenwich, votre longitude doit être paramétrée à « E », suivie de l’écart angulaire avec le méridien de référence ; Pour une localisation à l’Ouest, même principe avec « W ».
L’heure est aussi un sujet assez souvent discuté par les astro-amateurs en fonction de leur setup et de leur compréhension du sujet (Temps UTC ? Temps local ? Heure d’été ? d’hiver ?). Pour un système SynScan utilisé en France métropolitaine, vous devez saisir le temps local pour le fuseau GMT+1, puis renseigner si l’heure d’été est en vigueur (oui/non) : en Hiver , choisir « No » ou « NON » ; en été, choisir « Yes » ou « OUI ». En aucun cas vous ne devez compenser un décalage d’heure jouant sur le temps local pour compenser une heure d’été ou l’inverse, même si l’heure résultante est identique. Vous pourriez vous dire « quelle importance, au final ? » d’autant que l’application officielle « SynScan App » semble prendre ce raccourci : Eh bien, dites vous simplement que le temps universel, utilisé comme base temporelle dans les calculs astronomiques, va être déterminé à partir des informations que vous fournissez à votre système, à partir de questions simples (e.g. « Quelle heure votre téléphone/montre indique t-il/elle ? », « L’heure d’été est-elle en vigueur ? ») – il n’est pas attendu que vous vous fassiez des nœuds au cerveau pour lui répondre, au risque de lui donner des informations erronées.
L’expérience du terrain permet aussi de parfois déceler une anomalie de saisie de l’heure dès la première étape de l’alignement : un écart de 15° en ascension droite (soit 1h) sur l’équateur céleste sans écart en déclinaison indique une très probable erreur d’une heure dans la saisie du temps (La Terre tourne de 15° en 1 heure) : vérifier alors que l’heure d’été ou d’hiver n’est pas en vigueur et que l’heure résultante à vos paramètres est bien conforme à l’heure locale.
Quatrième et dernière étape : L’alignement
À ce stade, il est ensuite question de choisir une méthode d’alignement parmi celles proposées, selon le modèle et la version logicielle utilisée (SynScan V3/V4/Wi-Fi) et le type de monture (EQ, Alt-Az) :
- Étalonnage sur une 1 étoile ;
- Étalonnage sur l’étoile la plus brillante ;
- Étalonnage sur deux étoiles ;
- Étalonnage sur trois étoiles ;
Dans le doute et pour obtenir la meilleure précision, il est fortement conseillé d’opter pour un étalonnage sur 3 étoiles : cette méthode permet une bonne qualité de pointage et de suivi, même si la monture présente des défauts mécaniques (perpendicularité des axes, erreur de «cône»). qui sont alors évalués et compensés par l’algorithme. Si vous avez la certitude que la monture ne présente aucun défaut de géométrie (si vous l’avez corrigé et/ou mesuré comme négligeable) , un alignement à une ou deux étoiles est suffisant.
L’alignement sur 1 étoile pourrait suffire dans le cas d’un alignement polaire précis et d’une monture mécaniquement exempte de défauts, ou encore si la monture a fait l’objet d’un alignement à 3 étoiles précédemment sans avoir été déplacée et sans que l’instrument ait été ôté de son support depuis. (les valeurs de compensation enregistrées sont encore valides si rien n’a été bougé). Sans étalonnage préalable à 3 étoile, la précision de pointage et le suivi seront bons si la monture est parfaitement alignée sur l’axe polaire et si elle ne présente pas de défaut de géométrie.
L’étalonnage à deux étoiles est un compromis qui permet une précision relative pour quiconque ne souhaite pas faire un alignement polaire parfait et un étalonnage complet, mais des erreurs de pointage et/ou de suivi sont à craindre. Comme indiqué précédemment, si un étalonnage à 3 étoiles a été effectué au préalable, les imperfections géométriques mesurées sont alors prises en compte.
Le principe de conservation des mesures d’erreurs d’une session à l’autre peut sembler intéressant de prime abord, mais il ne l’est réellement qu’en station fixe : si vous devez désassembler votre setup pour le déplacer et le mettre en station, il y a de fortes chances pour que l’équilibrage, l’alignement, la position des éléments les uns par rapports aux autres soient différents : dans ce cas, il est préférable de refaire un étalonnage à 3 étoiles, plutôt que d’appliquer des corrections d’une mise en place différente, qui pourraient ainsi apporter des défauts plutôt que d’en corriger.
Fin du processus
Une fois la procédure d’alignement terminée, la monture est normalement prête à pointer un objet donné. Selon le type choisi, un bilan de la précision de pointage peut vous être présenté.

Ces données vous indiquent l’écart angulaire entre l’axe polaire de votre monture et la position de l’étoile polaire déterminée par la procédure d’alignement. Plus l’écart est faible, meilleur est votre alignement. Il est théoriquement possible à partir de ce bilan de corriger l’écart en utilisant la fonction « Polar Re-align », mais cela implique de réaligner l’instrument sur une étoile donnée en agissant cette fois-ci sur les vis d’élévation et d’azimut. Pour ma part je trouve cette procédure très peu pratique, en tout cas sans caméra avec un retour visuel à proximité, car il faut chercher à centrer une étoile, œil à l’oculaire, tout en agissant sur les vis situées sur le trépied : très peu pratique et une mauvaise manipulation à ce stade peut totalement ruiner l’alignement, impliquant de tout recommencer depuis le début. Je préfère de loin obtenir des valeurs Mel et Maz les plus faibles possibles et m’en contenter ; C’est du reste parfaitement acceptable, et cela vous confère malgré tout une précision de pointage tout à fait satisfaisante.